Après 21 jours de mer, le Chinois Chu Yi a rallié Saint-François au terme d’une traversée marquée par une grave avarie de safran. Engagé sur cette Mini Transat en mémoire de son compatriote Guo Chan, disparu en mer il y a près de dix ans, le skipper a puisé dans cette quête intime la force de poursuivre malgré l’épreuve.
INTERVIEW
» Mon esprit est toujours sur l’eau, sur l’océan Atlantique, donc je ne peux pas vraiment vous dire ce que je ressens. Peut-être que je le pourrai plus tard, quand j’aurai réalisé où je me trouve maintenant. C’est une expérience fabuleuse.
Au départ, j’étais très bien placé. Pendant ces deux années de préparation, je n’avais jamais eu autant de bons marins autour de moi ; je ne m’en approchais jamais ! Mais sur cette course, au début, j’étais au contact avec eux et je me disais : « Ouah, je suis bon ! Je vais écrire l’histoire ! »
Je pense que c’était dans la nuit du 4 au 5 novembre : j’ai changé de spi. Je suis passé sous spi médium car le vent montait. La vitesse du bateau continuait d’augmenter, jusqu’à 14 nœuds. Et là, la barre de connexion du safran a cassé.
J’ai eu un vrai choc psychologique. J’ai eu l’impression que c’était la fin du monde. Après avoir affalé le spi, je ne savais plus quoi faire. J’ai dormi dans le bateau pendant deux jours environ. Je me réveillais parfois, mais le plus souvent je ne savais pas quoi faire. Hiroki est venu me voir, il a pris de mes nouvelles. Je n’arrêtais pas de pleurer : je me disais que ma course était morte.
Mais j’étais au milieu de l’océan. Je devais continuer. Je devais me fixer un nouveau but pour aller au bout. J’ai essayé de réparer le safran et de naviguer avec un seul safran. Je voulais oublier la course, juste profiter d’être en mer.
Après trois ou quatre jours de repos, j’ai essayé d’apprendre à faire fonctionner ce safran. J’ai réussi à aller un peu plus vite, mais j’étais limité : le safran bougeait beaucoup. La seule chose dont j’étais sûr, c’est que je voulais terminer. Je ne voulais pas perdre tout ce que j’avais investi. La Mini Transat fait partie de ma vie.
J’ai même changé l’heure de mon horloge et je l’ai réglée en 2027. Comme la première étape a été annulée, c’était comme si nous étions passés dans un autre temps. Un nouveau départ. Je voulais garder la main sur cette partie de l’histoire et faire de mon mieux. Je ne savais même plus où se trouvait la Guadeloupe. Je voulais juste profiter de la mer. J’avais perdu la dimension de compétition, mais j’ai repris du plaisir à naviguer. C’est déjà ça !
Je suis venu sur cette course pour retrouver l’âme de Guo Chan*. Pendant deux ans, je l’ai cherchée. Et je crois avoir réussi à la sentir. Je ne peux pas l’expliquer, mais je la ressens en moi.
*Guo Chan est un marin chinois disparu en mer lors d’une tentative de record à l’automne 2016. »





Sa course en chiffres
55 – Série (1056) Da Gousket – Chu Yi
Arrivée : 16/11/2025 06:08:23 UTC
Temps de course : 21j 15h 08min 23s
Écart au premier : 6j 15h 28min 59s
Écart au précédent : 1j 12h 10min 13s
Sur l’ortho : 2606.38 nm / 5.0 nds
Sur le fond : 3017.22 nm / 5.8 nds





