Originaire de Martinique, Timothé Villain-Amirat boucle sa Mini Transat avec un goût d’inachevé. Annoncé parmi les favoris à bord d’un bateau redoutablement préparé, le skipper a vu ses ambitions contrariées par une série d’avaries qui l’ont contraint à une escale au Cap-Vert. À son arrivée, celui qui était venu “pour la course, pas pour la transat” savoure malgré tout la ligne franchie et la joyeuse collégialité de cette classe Mini.
INTERVIEW
« Non, ce n’était clairement pas la course que j’avais prévue. C’était très long, beaucoup plus long que ce que j’imaginais. Il y a quand même eu du positif, notamment le Cap-Vert où, pendant un moment, la course est repartie un peu dans mon sens… avant les soucis techniques. À partir de là, je savais que je ne pouvais plus vraiment jouer la course, mais je suis reparti quand même, le couteau entre les dents. Je n’avais pas trop regardé la météo, mais a priori ça s’annonçait rapide pendant longtemps. Sauf que mon spi s’est déchiré après trois heures. Il m’en reste un morceau là-haut et trois morceaux dans le bateau… J’ai donc fait beaucoup de route sous solent, ce qui n’était pas très drôle.
À mi-chemin, j’ai eu un gros moment de lassitude. Je me disais “c’est un grand voyage, je vais lire un peu”. Et finalement il y a eu un moment de vrai stress : j’ai failli perdre la quille, ce n’était vraiment pas cool. Ça a duré une quarantaine de minutes très intenses. Après, j’ai continué, mais la fin a été longue. Je crois que j’ai l’habitude : les arrivées dans les ports, c’est toujours interminable.
Malgré tout, j’ai pris énormément de plaisir sur mon bateau, tout le temps où je l’ai eu. Et maintenant, forcément, la tentation est grande d’essayer d’en remettre un coup pour faire mieux… même si j’ai quand même vécu onze ou douze jours vraiment pas marrants.
Pour ce qui est des avaries : c’est frustrant, c’est que du métal qui casse. De l’usure, de la fatigue. Le bateau est un peu plus puissant qu’avant, mais ce sont des pièces très coûteuses. Le balcon qui casse, la quille avec un axe qui pète… C’est typiquement le genre de trucs qu’on ne pense pas devoir remplacer : c’est censé être très solide. Et avec un petit budget, certaines choses passent derrière.
Pourquoi je me suis arrêté ? Parce que je ne pouvais plus contrôler le bateau avec le safran. C’est long encore, avant la Guadeloupe, dans ces conditions. Je n’avais pas ce qu’il fallait pour réparer. J’ai fait une première tentative en allant au sud, j’ai réparé, c’est reparti, et ça a tenu douze heures. Ensuite, je me suis dit “bon… autant aller au Cap-Vert et faire ça proprement”. Et puis en arrivant là-bas, j’ai eu la casse du balcon : j’étais dans le bateau à chercher une vis pour réparer la gouverne, et au même moment le capteur du pilote s’est mis à déconner. Un truc de plus…
Au Cap-Vert, je savais que je ne faisais plus la course de la même manière. Il y avait d’autres skippers qui avaient des soucis aussi, donc j’ai essayé d’aider. J’aurais pu repartir très vite, mais c’était plus intéressant d’aider ceux qui galéraient. C’est dommage pour Uros, qui faisait une très bonne course avant qu’il soit obligé de revenir, et qui en plus avait probablement l’avarie la plus simple à résoudre.
Le deuxième départ du Cap-Vert, je l’attendais presque avec excitation : des conditions clémentes, cinq jours sous un bord… J’espérais montrer que le bateau pouvait aller vite longtemps et recoller la flotte. Avec mon spi, je serais peut-être arrivé deux jours plus tôt. Mais bon… Ce n’est pas un drame. Je suis très heureux d’arriver. Et puis au fond, pour moi, la course c’était aussi arriver ici, naviguer dans ces conditions idéales. Depuis qu’on a quitté le Portugal, il fait chaud en permanence. Quoi qu’il arrive, je suis content d’être là.
Revenir sur une autre Transat ? Je ne sais pas. Ce n’est pas tant pour la course que pour la communauté : la classe, c’est un groupe qui fait des choses rigolotes, il y a une vraie solidarité. Ma course n’a pas été au niveau de mes attentes, mais la collégialité, elle, n’a pas manqué. Il faut accepter que les choses ne se passent pas comme prévu. Je pense aussi aux gars qui sont encore en mer seuls… Timo, Victor : avancer juste avec un solent, c’est dur. Je ne sais pas ce qu’ils vont en tirer, mais on est tous face à la mer, on vit des trucs forts.
L’aventure reste intéressante. Je ne vais pas vous dire ce que j’ai écrit dans mon carnet… mais il y a de la matière. »



Sa course en chiffres :
26 – Proto (756) Speedy Maltese – Timothée Villain-amirat
Arrivée : 14/11/2025 06:17:47 UTC
Temps de course : 19j 15h 17min 47s
Écart au premier : 5j 21h 53min 02s
Écart au précédent : 09h 55min 07s
Sur l’ortho : 2606.38 nm / 5.5 nds
Sur le fond : 3149.97 nm / 6.7 nds





